Ça ressemble à la
chaleur poussiéreuse d'un reste de route déglinguée quelque part
dans un bout de désert cramé. Une belle fugue dans une tire qui
grince et des morceaux de sud plein la carlingue. Un eldorado qui
rougit le soir venu pour faire tarder la nuit. Le grand voyage vers
un endroit où finir par s'égarer, ne plus avoir à faire le trajet
retour. Un paradis de paumés volontaires affamés de plus de fuite
encore.
Calexico, au départ
c'est une ville tout en bas de la Californie, bien collée au fond,
dernière station avant le Mexique, tout le monde descend ou tout le
monde continue si pas grand-chose ne reste derrière. Dernier ilot de
bicoques agglutinées au bord d'une avenue fatiguée avec la barrière
tout au bout, dernière escale avant un endroit où les promesses
finissent en mille morceaux dans la terre aride faute de destination.
Et justement, Calexico, le groupe, ressemble à cette miette de globe
à peine assez vaste pour avoir droit à son nom sur une carte, une
frontière reculée où convergent les vents de tous les points
cardinaux possibles et l'ultime écho mourant du Pacifique. Il suffit
de traduire cette ligne de partage en doubles croches sur une portée
un peu froissée pour obtenir le décor des albums de Calexico. Des
canicules dispersées au hasard et toujours le bruit de ferraille
d'un train de marchandises au loin. Une ruée vers l'or à bord de la
pépite elle-même.
Chaque album est un
passeport à validité permanente pour des contrées sans nom. Le
petit dernier, Algiers, comme Carried to Dust avant lui et tous les autres disques du groupe, est une
traversée de pays laissés en friche sur le côté, une bande
originale pour routards égarés dans leur carcasse abîmée et qui
viennent s'enfiler du celsius en pagaille pour pas un rond. Quelques
allers-simples sur du bitume crevassé à travers des cartes postales
pour jetés dehors. D'une chanson à l'autre, on passe d'un vieux
trottoir en Louisiane à une rue fantôme quelque part entre Nogales
et Monterrey, via quelques restes de cabanes abandonnées sur des
tronçons de 66 à l'état sauvage. Avec dans l'air des restes d'âmes
vagabondes qui volettent encore un peu histoire de faire durer la
balade tant que le jour ne finit pas.
Calexico dessine des
paysages tellement laissés en l'état qu'ils finissent par jaunir à
mesure que le soleil en fait le tour, des tas de nulles-parts comme
des trésors ternis et cabossés, des voies de garage sans ombre que
plus personne ne vient choisir comme havre pour la nuit, pas même
quelques gouttes de pluie de temps en temps. Des chansons comme des
cartes routières déchirées à recoller comme on peut pour trouver
d'autres minuscules paradis entre deux croisées des chemins, entre
deux panneaux branlants pour orienter ce qui reste d'oiseaux rares en
pleine dérive.
DERNIERE MINUTE :
DES FRAGMENTS D'HORIZON DANS UNE PETITE BOÎTE
Lundi 12 novembre. Le
Rockstore. Montpellier.
La Cadillac à l'entrée
n'a jamais aussi bien porté sa tôle rouge. Calexico fait halte à la maison
pour quelques heures. Le soir fait dans le tiédasse pour coller
comme il faut à l'atmosphère qui se trame à l'intérieur. Plus
tard, après une première partie assurée, et bien assurée, par le
groupe Blind Pilot (grâce à qui j'ai pu assister au spectacle
inédit d'un bûcheron canadien dûment barbu en plein trip de
contrebasse), Joey Burns et John Convertino, les pères fondateurs de
Calexico, débarquent sur scène avec le reste du groupe pour une
virée de deux heures à travers des bouts de terre lointaine, de ce
Sunken Waltz qui sonne comme un wagon qui s'ébranle à ces
Minas de Cobre pleines de vieux chicanos rétamés à la peau
brûlée, en passant par les ports de No Te Vayas où les
nuits tombent à point pour laisser une larme couler avant de se dire
adieu. Le tout avec la joie d'être ensemble dans le semblant
d'automne, entre démangés d'ailleurs qui repartiront pour certains
la nuit même vers d'autres frontières, d'autres déserts, d'autres
mirages au loin sur la route, d'autres Amériques qui fanent
lentement. Avec The Vanishing Mind en B.O. pour aller
s'évanouir en lonesome cowboy sans laisser d'adresse ni de signes de
vie, des ciels pétés de bleu profond plein la tête et des valises
remplies à ras bord d'espoirs mal en point. Mais le cœur qui bat
plus fort que le commun des.
That's all fucking folks...
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