14.11.12

ROUTE ALGIERS, CX

Ça ressemble à la chaleur poussiéreuse d'un reste de route déglinguée quelque part dans un bout de désert cramé. Une belle fugue dans une tire qui grince et des morceaux de sud plein la carlingue. Un eldorado qui rougit le soir venu pour faire tarder la nuit. Le grand voyage vers un endroit où finir par s'égarer, ne plus avoir à faire le trajet retour. Un paradis de paumés volontaires affamés de plus de fuite encore.

Calexico, au départ c'est une ville tout en bas de la Californie, bien collée au fond, dernière station avant le Mexique, tout le monde descend ou tout le monde continue si pas grand-chose ne reste derrière. Dernier ilot de bicoques agglutinées au bord d'une avenue fatiguée avec la barrière tout au bout, dernière escale avant un endroit où les promesses finissent en mille morceaux dans la terre aride faute de destination. Et justement, Calexico, le groupe, ressemble à cette miette de globe à peine assez vaste pour avoir droit à son nom sur une carte, une frontière reculée où convergent les vents de tous les points cardinaux possibles et l'ultime écho mourant du Pacifique. Il suffit de traduire cette ligne de partage en doubles croches sur une portée un peu froissée pour obtenir le décor des albums de Calexico. Des canicules dispersées au hasard et toujours le bruit de ferraille d'un train de marchandises au loin. Une ruée vers l'or à bord de la pépite elle-même.

Chaque album est un passeport à validité permanente pour des contrées sans nom. Le petit dernier, Algiers, comme Carried to Dust avant lui et tous les autres disques du groupe, est une traversée de pays laissés en friche sur le côté, une bande originale pour routards égarés dans leur carcasse abîmée et qui viennent s'enfiler du celsius en pagaille pour pas un rond. Quelques allers-simples sur du bitume crevassé à travers des cartes postales pour jetés dehors. D'une chanson à l'autre, on passe d'un vieux trottoir en Louisiane à une rue fantôme quelque part entre Nogales et Monterrey, via quelques restes de cabanes abandonnées sur des tronçons de 66 à l'état sauvage. Avec dans l'air des restes d'âmes vagabondes qui volettent encore un peu histoire de faire durer la balade tant que le jour ne finit pas.

Calexico dessine des paysages tellement laissés en l'état qu'ils finissent par jaunir à mesure que le soleil en fait le tour, des tas de nulles-parts comme des trésors ternis et cabossés, des voies de garage sans ombre que plus personne ne vient choisir comme havre pour la nuit, pas même quelques gouttes de pluie de temps en temps. Des chansons comme des cartes routières déchirées à recoller comme on peut pour trouver d'autres minuscules paradis entre deux croisées des chemins, entre deux panneaux branlants pour orienter ce qui reste d'oiseaux rares en pleine dérive.


DERNIERE MINUTE :

DES FRAGMENTS D'HORIZON DANS UNE PETITE BOÎTE

Lundi 12 novembre. Le Rockstore. Montpellier.

La Cadillac à l'entrée n'a jamais aussi bien porté sa tôle rouge. Calexico fait halte à la maison pour quelques heures. Le soir fait dans le tiédasse pour coller comme il faut à l'atmosphère qui se trame à l'intérieur. Plus tard, après une première partie assurée, et bien assurée, par le groupe Blind Pilot (grâce à qui j'ai pu assister au spectacle inédit d'un bûcheron canadien dûment barbu en plein trip de contrebasse), Joey Burns et John Convertino, les pères fondateurs de Calexico, débarquent sur scène avec le reste du groupe pour une virée de deux heures à travers des bouts de terre lointaine, de ce Sunken Waltz qui sonne comme un wagon qui s'ébranle à ces Minas de Cobre pleines de vieux chicanos rétamés à la peau brûlée, en passant par les ports de No Te Vayas où les nuits tombent à point pour laisser une larme couler avant de se dire adieu. Le tout avec la joie d'être ensemble dans le semblant d'automne, entre démangés d'ailleurs qui repartiront pour certains la nuit même vers d'autres frontières, d'autres déserts, d'autres mirages au loin sur la route, d'autres Amériques qui fanent lentement. Avec The Vanishing Mind en B.O. pour aller s'évanouir en lonesome cowboy sans laisser d'adresse ni de signes de vie, des ciels pétés de bleu profond plein la tête et des valises remplies à ras bord d'espoirs mal en point. Mais le cœur qui bat plus fort que le commun des.

That's all fucking folks...

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