Effroyables processions de hussards de la demi-mesure & le siècle a de toute façon déjà pris le contrôle à moins que...
Halloween me fout les
jetons, me les fout vraiment. Et pas seulement parce que ce
déferlement de mioches déguisés à la va-vite me donne
l'impression d'être sur le mur Facebook d'une toute jeune maman qui
ignore que sa vie continue encore après la ponte. Une gerbée
soudaine de trognes lisses lâchées hurlantes à la tombée de la
nuit, ignorant que derrière une porte se cache un type capable des
pires saloperies si on tente de lui soutirer la moindre miette de
Dragibus.
Non, si cette fête me
noie sous une chiasse de colère à peine retenue, c'est qu'elle
réveille chaque année les rebelles faciles, les jamais assez
goinfrés de revendications pas chères. Tous ces mous de la révolte
qui se dressent guimauve au poing et récitent du Damien Saez en
pensant faire œuvre de purification des pauvres consciences
souillées par la mon Dieu quelle horreur société de consommation.
Ils seront encore là en cette veille de Toussaint, avachis sur leur
canapé Ikea en regardant le JT de TF1 sur leur écran plasma, je
peux déjà les entendre : « hors de question, tu
m'entends, moi vivant mes enfants ne participeront jamais à cette
FÊTE COMMERCIALE »... On y est. Plein dedans. Ce fête
commerciale, là, c'est
devenu au fil des ans la plus carabinée de mes innombrables phobies,
peut-être plus encore que la phobie de mon prochain, c'est dire. Il
débarque partout, Saint-Valentin, Noël, Fête des mères... Et
comme souvent chez ces bons soldats de l'indignation bon marché, ça
reste la meilleure façon de cacher une réalité qu'il ne faudrait
pour rien au monde avoir à assumer.
Et ils ne se contentent
pas de foutre des tas de boue d'opprobre à chaque - putain ça
me glace vraiment le sang - fête commerciale, mais protestent à
chaque changement d'heure d'été d'hiver ou tout ce que vous voulez,
appellent Bourdin tous les matins pour expliquer en quoi
l'insuffisant débit de parole de François Hollande le place de
facto dans la catégorie des mauvais présidents. Avec Sarko, au
moins, on n'avait pas le temps de se rendre compte qu'on allait nous
faire avaler des trucs louches, comprenez bien.
Et là, après une
demi-page de phrases dégénérées qui ne servent à rien, on touche
au cœur du problème. Cette frange immense de la population est en
quelque sorte la classe moyenne de la conscience. En effet ces
gens-là se situent très exactement entre les éclairés et les
proies faciles, ni franchement clairvoyants ni incurablement dupes...
Ils évoluent dans une mélasse brouillonne le plus clair du temps et
n'ouvrent les yeux qu'au moment où on leur fout les trucs sous le
nez, préalablement bardés de néons extravagants.
Il suffit de les observer
un poil attentivement. Il y a de tout. Des célibataires qui refusent
par conviction « profonde » d'offrir le moindre cadeau
pour Noël mais s'empressent de courir au Carrefour du coin pour
acheter le tout nouveau Vivelle Dop fixation blindée, quitte à
jeter un pot à moitié plein de l'obsolète fixation béton. On trouve aussi de
jeunes trentenaires lookés à l'alter qui préféreraient crever
plutôt qu'emmener leur copine au resto le 14 février, mais seraient
capables d'acheter des sacs entiers d'amiante si on leur collait un
joli BIO sur l'étiquette. Et demain, 31 octobre de l'an mort-vivant
2012, un tas de farouches opposants à cette invasion yankee
d'Halloween dégaineront leur iPhone et revendiqueront sur Facebook
leur entrée en résistance. Allons enfants de l'an 2000, prenez-nous
la vie, épargnez nos bourses. Laissez-nous juste un reste de sang,
même impur, pour croire que notre cœur bat encore un peu.
Ce sont quelques
raccourcis faciles chiés par un esprit recroquevillé dans sa
confusion, certes, mais ils traduisent ce besoin bien à nous de
clamer notre incrédulité entre deux bouchées de couleuvres bien
grasses. Car il ne faudrait pas oublier que l'armée des manieurs de
cerveau (politiques, économistes, commerciaux, publicitaires,
jeanpierrepernauts) est un régiment surentraîné qui sait très
bien ce qu'il fait. Et lorsqu'il vous montre grossièrement comment
il va essayer de vous faire avaler un trop gros gâteau, il sait que
vous n'allez pas vous laisser faire. Pire, il vous prend la main pour
vous guider vers l'insoumission. En flattant votre vigilance il
endort votre méfiance. La suite, vous la connaissez, mais vous ne la
remarquez même pas, hein...
S'ériger en Front de mes
deux dès qu'un rapace s'approche trop près de notre pognon ne sert
à rien, ça l'excite. Non, il suffirait de revenir à un peu plus de
sauvagerie brute, agir selon nos instincts, choisir de fêter ou non
quelque chose à la seule lumière de l'intérêt que ça éveille en
chacun de nous. Ça mettrait comme un relent dégueu de révolution
dans les narines de la bête. Ne surtout pas foutre notre cervelle
dans le portefeuille. D'autres reçoivent des chèques à six
chiffres pour s'en charger.
That's all fucking folks...
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