30.10.12

LA BOURSE SANS LA VIE

Effroyables processions de hussards de la demi-mesure & le siècle a de toute façon déjà pris le contrôle à moins que...


Halloween me fout les jetons, me les fout vraiment. Et pas seulement parce que ce déferlement de mioches déguisés à la va-vite me donne l'impression d'être sur le mur Facebook d'une toute jeune maman qui ignore que sa vie continue encore après la ponte. Une gerbée soudaine de trognes lisses lâchées hurlantes à la tombée de la nuit, ignorant que derrière une porte se cache un type capable des pires saloperies si on tente de lui soutirer la moindre miette de Dragibus.

Non, si cette fête me noie sous une chiasse de colère à peine retenue, c'est qu'elle réveille chaque année les rebelles faciles, les jamais assez goinfrés de revendications pas chères. Tous ces mous de la révolte qui se dressent guimauve au poing et récitent du Damien Saez en pensant faire œuvre de purification des pauvres consciences souillées par la mon Dieu quelle horreur société de consommation. Ils seront encore là en cette veille de Toussaint, avachis sur leur canapé Ikea en regardant le JT de TF1 sur leur écran plasma, je peux déjà les entendre : « hors de question, tu m'entends, moi vivant mes enfants ne participeront jamais à cette FÊTE COMMERCIALE »... On y est. Plein dedans. Ce fête commerciale, là, c'est devenu au fil des ans la plus carabinée de mes innombrables phobies, peut-être plus encore que la phobie de mon prochain, c'est dire. Il débarque partout, Saint-Valentin, Noël, Fête des mères... Et comme souvent chez ces bons soldats de l'indignation bon marché, ça reste la meilleure façon de cacher une réalité qu'il ne faudrait pour rien au monde avoir à assumer.

Et ils ne se contentent pas de foutre des tas de boue d'opprobre à chaque - putain ça me glace vraiment le sang - fête commerciale, mais protestent à chaque changement d'heure d'été d'hiver ou tout ce que vous voulez, appellent Bourdin tous les matins pour expliquer en quoi l'insuffisant débit de parole de François Hollande le place de facto dans la catégorie des mauvais présidents. Avec Sarko, au moins, on n'avait pas le temps de se rendre compte qu'on allait nous faire avaler des trucs louches, comprenez bien.

Et là, après une demi-page de phrases dégénérées qui ne servent à rien, on touche au cœur du problème. Cette frange immense de la population est en quelque sorte la classe moyenne de la conscience. En effet ces gens-là se situent très exactement entre les éclairés et les proies faciles, ni franchement clairvoyants ni incurablement dupes... Ils évoluent dans une mélasse brouillonne le plus clair du temps et n'ouvrent les yeux qu'au moment où on leur fout les trucs sous le nez, préalablement bardés de néons extravagants.

Il suffit de les observer un poil attentivement. Il y a de tout. Des célibataires qui refusent par conviction « profonde » d'offrir le moindre cadeau pour Noël mais s'empressent de courir au Carrefour du coin pour acheter le tout nouveau Vivelle Dop fixation blindée, quitte à jeter un pot à moitié plein de l'obsolète fixation béton. On trouve aussi de jeunes trentenaires lookés à l'alter qui préféreraient crever plutôt qu'emmener leur copine au resto le 14 février, mais seraient capables d'acheter des sacs entiers d'amiante si on leur collait un joli BIO sur l'étiquette. Et demain, 31 octobre de l'an mort-vivant 2012, un tas de farouches opposants à cette invasion yankee d'Halloween dégaineront leur iPhone et revendiqueront sur Facebook leur entrée en résistance. Allons enfants de l'an 2000, prenez-nous la vie, épargnez nos bourses. Laissez-nous juste un reste de sang, même impur, pour croire que notre cœur bat encore un peu.

Ce sont quelques raccourcis faciles chiés par un esprit recroquevillé dans sa confusion, certes, mais ils traduisent ce besoin bien à nous de clamer notre incrédulité entre deux bouchées de couleuvres bien grasses. Car il ne faudrait pas oublier que l'armée des manieurs de cerveau (politiques, économistes, commerciaux, publicitaires, jeanpierrepernauts) est un régiment surentraîné qui sait très bien ce qu'il fait. Et lorsqu'il vous montre grossièrement comment il va essayer de vous faire avaler un trop gros gâteau, il sait que vous n'allez pas vous laisser faire. Pire, il vous prend la main pour vous guider vers l'insoumission. En flattant votre vigilance il endort votre méfiance. La suite, vous la connaissez, mais vous ne la remarquez même pas, hein...

S'ériger en Front de mes deux dès qu'un rapace s'approche trop près de notre pognon ne sert à rien, ça l'excite. Non, il suffirait de revenir à un peu plus de sauvagerie brute, agir selon nos instincts, choisir de fêter ou non quelque chose à la seule lumière de l'intérêt que ça éveille en chacun de nous. Ça mettrait comme un relent dégueu de révolution dans les narines de la bête. Ne surtout pas foutre notre cervelle dans le portefeuille. D'autres reçoivent des chèques à six chiffres pour s'en charger.

That's all fucking folks...

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