Quelques morceaux de plainte tragique à travers trop de mers trop calmes & pas même un messie déglingué pour foutre un brin de houle là-dedans.
Cette année encore, la
rentrée littéraire a dégueulé ses quintaux de phrases (souvent) à
tort et (pas assez) à travers. Un peu plus de 600 romans comme
d'hab, soit une grande foire au sacrifice d'environ 550 bouquins
autodafés à la franche. Et comme chaque année à la même période,
j'ai naïvement espéré trouver la voix qui allait me retourner et
finir le festin jusqu'au dernier os. Et comme chaque année, je finis
par me demander si elle existera un jour, cette voix brutale pleine
d'odeurs de tranchées.
Combien de fois des bien
peignés à lunettes m'ont demandé quels étaient mes auteurs
fétiches, avec dans les yeux cette lueur qui murmure dis-moi
Proust ma petite cochonne, prononce de Montherlant avec tes lèvres
épaisses de petite traînée latino... Ouais, pas facile de leur
servir des Kerouac avinés et des Bukowski crasseux à tous ces
mendiants de beaux subjonctifs couverts de soie. Alors on la joue
plutôt Jacques Martin, genre impossible d'en détacher un
tellement la liste est longue. Balzac ? Non j'suis encore un
poil trop alerte pour aller me faire chier en charentaises devant la
cheminée... Bon tu passes pour l'inculte refoulé de la soirée
et le mec va promener sa raie sur le côté vers d'autres raies bien
rectilignes et perpétuer l'excellence. Sans mèche qui dépasse...
Certes, il m'est arrivé
de causer Hunter S. Thompson, Kerouac ou Djian avec l'ardeur d'un
présentateur d'émission littéraire sur France 2, quand l'alcool se
démerdait pas trop mal, mais en général les types t'écoutent
poliment comme si tu leur parlais de Guillaume Musso ou d'Amélie par
pitié Nothomb. Ce pauvre con qui ne connaît rien aux belles lettres
bien propres sur elles, quel manque de respect pour l'héritage des
Lumières... T'aurais presque envie de leur répondre : pourquoi
t'as l'air si lugubre alors ? A quel moment t'as décidé de la
perdre, ta lumière, vieux ?
Sauf que tourner avec
trois quatre auteurs, pour la plupart morts, ça peine à assouvir
mon appétit de lectures aiguisées au tranchant. Ainsi donc je fonde
d'insensés espoirs sur chaque rentrée littéraire qui passe, tous
ces inconnus qui débarquent jetés au front au milieu des Angot, des
Levy, des doux Jésus J.K Rowling ou de toute la horde ramollie des
éligibles au Goncourt. Et il y en a bien assez pour se mettre à
croire au miracle à chaque fois. Merde, il y en aura bien un dans le
tas qui viendra bardé de phrases qui brutalisent, remuent,
valdinguent et vous envoient foutre une bonne fois pour toutes vers
un coma certain. Les critiques littéraires, eux, ces bons soldats de
Gallimard and co, en rajoutent une couche en dénichant sans arrêt
la voix qui détone dans le paysage, le coup de fraîcheur, le
nouveau j'sais pas qui... Tu y crois dur comme fer, et tu t'aperçois
très vite que c'est toujours la même recette putain de fade qu'on
te sert dans une vieille assiette daubant le placard rance.
Par chance, l'Amérique
vient à la rescousse avec ses Easton Ellis, ses Coupland ou ses
gigantesques Franzen, mais va parler de ces types-là en soirée.
Puis comprenez bien, quand j'ai passé trois plombes à expliquer le
principe du journalisme Gonzo à l'imprudent qui veut faire causette,
je n'ai plus assez de batteries pour recommencer avec d'autres
mauvais garçons de la bafouille US. En fait, je rêve juste de
pouvoir une fois seulement discuter d'un auteur que mon interlocuteur
connaît aussi, si ce n'est pas trop demander. De préférence un
auteur qui viendrait exploser sans cérémonie ni pitié à la face
trop lisse de la littérature made in chez nous, assez pour que
l'onde de choc n'épargne personne, pas même la quadra biberonnée
au Sophie Kinsella.
Mais je crains fort que
les temps ne soient pas à la pure déglingue, et même très loin de
l'être. Crise oblige, on continuera de s'empiffrer de rêves faciles
et de foutues « lectures-détente » jusqu'à ce que
toutes ces sucreries surcalorisées finissent en une gigantesque
partouze d'embonpoint à psychanalyser sur un divan Louis peu importe
combien. De mon côté, j'avalerai encore toutes les promesses
faciles de toutes les Nelly Kaprièlian du monde en attendant ce
messie fracassé dont chaque phrase suintera la volonté de raser
tout ce qui se dresse encore sur la carte. Je sais qu'il se cache
quelque part, l'enfoiré, guettant son heure et fourbissant les
crocs, ignorant qu'il existe au moins un cinglé déjà prêt à se
le prendre de plein fouet dans le buffet.
That's all fucking folks...
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