23.10.12

FEAR AND LOATHING IN LA RUBRIQUE LIVRES

Quelques morceaux de plainte tragique à travers trop de mers trop calmes & pas même un messie déglingué pour foutre un brin de houle là-dedans.


Cette année encore, la rentrée littéraire a dégueulé ses quintaux de phrases (souvent) à tort et (pas assez) à travers. Un peu plus de 600 romans comme d'hab, soit une grande foire au sacrifice d'environ 550 bouquins autodafés à la franche. Et comme chaque année à la même période, j'ai naïvement espéré trouver la voix qui allait me retourner et finir le festin jusqu'au dernier os. Et comme chaque année, je finis par me demander si elle existera un jour, cette voix brutale pleine d'odeurs de tranchées.

Combien de fois des bien peignés à lunettes m'ont demandé quels étaient mes auteurs fétiches, avec dans les yeux cette lueur qui murmure dis-moi Proust ma petite cochonne, prononce de Montherlant avec tes lèvres épaisses de petite traînée latino... Ouais, pas facile de leur servir des Kerouac avinés et des Bukowski crasseux à tous ces mendiants de beaux subjonctifs couverts de soie. Alors on la joue plutôt Jacques Martin, genre impossible d'en détacher un tellement la liste est longue. Balzac ? Non j'suis encore un poil trop alerte pour aller me faire chier en charentaises devant la cheminée... Bon tu passes pour l'inculte refoulé de la soirée et le mec va promener sa raie sur le côté vers d'autres raies bien rectilignes et perpétuer l'excellence. Sans mèche qui dépasse...

Certes, il m'est arrivé de causer Hunter S. Thompson, Kerouac ou Djian avec l'ardeur d'un présentateur d'émission littéraire sur France 2, quand l'alcool se démerdait pas trop mal, mais en général les types t'écoutent poliment comme si tu leur parlais de Guillaume Musso ou d'Amélie par pitié Nothomb. Ce pauvre con qui ne connaît rien aux belles lettres bien propres sur elles, quel manque de respect pour l'héritage des Lumières... T'aurais presque envie de leur répondre : pourquoi t'as l'air si lugubre alors ? A quel moment t'as décidé de la perdre, ta lumière, vieux ?

Sauf que tourner avec trois quatre auteurs, pour la plupart morts, ça peine à assouvir mon appétit de lectures aiguisées au tranchant. Ainsi donc je fonde d'insensés espoirs sur chaque rentrée littéraire qui passe, tous ces inconnus qui débarquent jetés au front au milieu des Angot, des Levy, des doux Jésus J.K Rowling ou de toute la horde ramollie des éligibles au Goncourt. Et il y en a bien assez pour se mettre à croire au miracle à chaque fois. Merde, il y en aura bien un dans le tas qui viendra bardé de phrases qui brutalisent, remuent, valdinguent et vous envoient foutre une bonne fois pour toutes vers un coma certain. Les critiques littéraires, eux, ces bons soldats de Gallimard and co, en rajoutent une couche en dénichant sans arrêt la voix qui détone dans le paysage, le coup de fraîcheur, le nouveau j'sais pas qui... Tu y crois dur comme fer, et tu t'aperçois très vite que c'est toujours la même recette putain de fade qu'on te sert dans une vieille assiette daubant le placard rance.

Par chance, l'Amérique vient à la rescousse avec ses Easton Ellis, ses Coupland ou ses gigantesques Franzen, mais va parler de ces types-là en soirée. Puis comprenez bien, quand j'ai passé trois plombes à expliquer le principe du journalisme Gonzo à l'imprudent qui veut faire causette, je n'ai plus assez de batteries pour recommencer avec d'autres mauvais garçons de la bafouille US. En fait, je rêve juste de pouvoir une fois seulement discuter d'un auteur que mon interlocuteur connaît aussi, si ce n'est pas trop demander. De préférence un auteur qui viendrait exploser sans cérémonie ni pitié à la face trop lisse de la littérature made in chez nous, assez pour que l'onde de choc n'épargne personne, pas même la quadra biberonnée au Sophie Kinsella.

Mais je crains fort que les temps ne soient pas à la pure déglingue, et même très loin de l'être. Crise oblige, on continuera de s'empiffrer de rêves faciles et de foutues « lectures-détente » jusqu'à ce que toutes ces sucreries surcalorisées finissent en une gigantesque partouze d'embonpoint à psychanalyser sur un divan Louis peu importe combien. De mon côté, j'avalerai encore toutes les promesses faciles de toutes les Nelly Kaprièlian du monde en attendant ce messie fracassé dont chaque phrase suintera la volonté de raser tout ce qui se dresse encore sur la carte. Je sais qu'il se cache quelque part, l'enfoiré, guettant son heure et fourbissant les crocs, ignorant qu'il existe au moins un cinglé déjà prêt à se le prendre de plein fouet dans le buffet.

That's all fucking folks...

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