3.4.13

NOTRE MAUVAISE GRAINE QUI ETES AUX CIEUX

Push The Sky Away - Nick Cave & The Bad Seeds


Ils ne sont jamais nombreux les compagnons de route d'un sauvage de ma trempe, une poignée d'élus dont on sait qu'ils ne dégueulasseront jamais les sièges ou le bitume juste là-devant. Des pourvoyeurs de la bonne atmosphère qui sied à tous les longs cours imaginables, quelques bons amis qui font la converse à coups de gratte ou de voix un peu nocturnes sur les bords. Et qui ont vite appris à se foutre de mes silences. Nick Cave fait partie de ceux qui m'accompagneront d'ici à l'éternité si jamais je m'empale dedans. En attendant, Nick et ses mauvaises graines viennent de me filer un rabe de carburant avec leur nouvel album, Push the sky away.

Suffit de jeter un premier œil distrait sur la pochette du disque pour savoir où on va foutre les pieds. Un décor de lumière à vif tout juste déchirée de grâce par deux formes plus sombres, deux silhouettes figées dans un ballet timide et lugubre alors qu'un ciel chauffé à blanc vient cramer les interstices. Le voyage s'annonce d'emblée beau et tendu comme une orgie d'anges désinhibés et on recense déjà quelques tremblements incontrôlés dans le périnée. La brochure garantit de l'orgasme à volonté et la jute promet d'avoir un goût de haut voltage.

Mais au contraire de cet érotisme déjà plus que latent, l'album démarre comme la boîte à musique d'un maniaco-dépressif porté sur le paranormal et les cérémonies louches là où on laisse pourrir les morts, une petite musique qu'on s'imaginerait entendre la nuit dans une pièce remplie de poupées inquiétantes au sourire vorace. Mais quand Nick se met à descendre l'octave dans les rauques bandants, on comprend tout de suite qu'il a pris les choses au sérieux et que ça va en envoyer dans les génitales. C'est le Cave de Boatman's call ou No more shall we part qui vient rôder par ici, celui qui va parsemer l'affaire de christs en pagaille jusqu'à nous repaître de leur sang.

S'acoquiner avec ce genre de Nick Cave, c'est être jeté de plein gré dans une église où un cureton pinté de cicatrices murmure des évangiles rétamés et des psaumes de perdus pour de bon du haut d'une chaire en velours craquelé. Sex, rock and roll et Spiritus Sanctus, devant une chiée d'apôtres paumés qui viennent finir de se brûler les ailes après avoir cherché de trop près leur bonne étoile. Une religion qui ne s'embarrasse pas de dieux à la con et préfère s'en remettre à la rougeur du stigmate.

Wild Lovely Eyes, la deuxième chanson sur la liste, en rajoute une couche avec ses bouts d'orgue au loin et ses enfants de chœur qui semblent jouer aux frissons à même la peau de Nick, qui termine par un au revoir afin de se barrer vers le Water's Edge se passer les nerfs. La tension monte soudain d'un cran, on commence à se dire que ça va grouiller d'enfers dans pas longtemps, mais comme ce sera le cas dans tout l'album on n'ira jamais jusqu'à s'approcher des flammes, et mine de rien ça réveille une intensité bien plus électrique qu'une bonne décharge de caténaire dans l'aorte.

Que Nick Cave se mette à errer dans Jubilee Street ou se débatte au milieu des chants de sirènes du bien nommé Mermaids, cette ballade tout juste plus que somptueuse qui sonnerait comme une mièvrerie surcalorisée dans la bouche de n'importe qui d'autre, il donne l'impression de bénir d'un seul souffle tout ce qui passe à sa portée, et nous laisse les trouées de silence d'une guitare absente comme des invitations à aller traîner dans le tableau. La guitare reviendra bien, pas très loin du The End, mais elle aussi sonnera comme une planque bien chaude où se réfugier quelques secondes, à bonne distance de la terre ferme.

En choisissant de terminer par la chanson titre de l'album (putain j'aurais quand même pu assumer jusqu'au bout le côté je fais une critique rock de mes deux et utiliser l'adjectif « éponyme »), Nick Cave nous offre un testament lancinant sur fond de bruit tranquille qui part s'abîmer dans le fade out. Push the sky away donc, car non content d'avoir donné au ciel un tas de couleurs, du bleu au noir sans lune en passant par le pété d'orange foncé, le temps de neuf prières parfois engrossées de tempêtes imminentes, il l'a également assez élargi pour en repousser la frontière quelque part où le Big Bang fume encore.

That's all fucking folks...

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