Chronique sauvage & déglinguée d'une mauvaise farce maya
- PREMIERE PARTIE -
Des soubresauts de fin du
monde à la sauce maya de mes deux commencent à se la dégourdir et
si l'on peut se fier à ces premières vagues timides d'apocalypse,
la grande partouze du 21 décembre s'annonce plutôt douloureuse. Il
n'y aura bien entendu aucun risque pour nos vies, qu'on se rassure,
mais quand on se réveillera le 22, finalement épargnés, on ne
mettra pas longtemps à regretter de faire partie de la distribution,
et le générique de fin promet de défiler lentement. L'aiguille à
séisme vient donc de se mettre à convulser, et ça se passe
logiquement à Sydney. La première ville qui nous fout la démesure
de son feu d'artifice de Nouvel An sous le nez, chaque année, se devait
de servir le hors-d'œuvre de la fin du monde programmée.
Jusqu'ici, cette histoire
à la Paco Rabanne rongé de l'intérieur par des bestioles
raëliennes enragées n'était pour moi qu'une diversion imaginée de
toutes pièces dans une salle de conférence pleine de maîtres du
monde en costard bien repassé, une tentative grossière de faire
croire à sept milliards de naïfs avérés que si la Terre se déglingue dans un semblant de
cataclysme, c'est parce qu'une bande de péruviens probablement
déchirés au peyotl l'aura écrit quelque part. Et c'est tellement
gros qu'on va tous jeter des coups d'œil paniqués vers le ciel
toute la journée du 21, et vous allez bien me faire marrer. Mais qui
a prétendu que le merdier débarquerait de là-haut, d'abord ?
On oublie trop vite que le truc doit incuber dans un foyer de
carences en neurones depuis la privatisation de TF1, c'est en tout
cas plus probable dit comme ça.
Pour ma part, j'avais
complètement oublié qu'il allait se passer quelque chose le 21
décembre prochain, en grande partie parce qu'il suffit de se baisser
pour ramasser des fins du monde en veux-tu en voilà. Les cheptels à
gros cul qui se trémoussent en appelant ça Zumba pour éviter de
dire « régime de la dernière chance en écoutant des groupes
cubains à 110 BPM », ça avait déjà comme un parfum de
déclin sévère à mes narines. Alors qu'on vienne me demander de
rajouter un truc sur la liste déjà longue des machins qui se
barrent en couille, en me disant que c'est prévu depuis des siècles
(mais qu'on vient de s'en rendre compte, comme de juste), j'ai dit
oui poliment pour qu'on me foute la paix. Et direction poubelle.
Bien sûr j'attends avec
impatience la date fatidique pour m'offrir une bonne séance de
voyeurisme au beau milieu du troupeau. C'est qu'il va falloir se les
coltiner les grands pontes de la théorie facile, les professeurs en
tout genre qui vont traquer la moindre petite bête sans relâche
pendant 24 heures et venir nous expliquer en quoi le monde a bel et
bien changé du tout au tout. Ils seront nombreux, une armée nourrie
de stress intense qui n'est pas prête à accepter qu'une vieille
prophétie puisse être un tissu d'âneries sans précédent, et qui
n'a même pas envisagé qu'aujourd'hui on peut tout à fait fabriquer de
fausses tables de la loi avec une bonne connaissance de Photoshop et
quelques rudiments de géologie pour choisir la bonne caillasse qui
ferait vintage.
Ce qui est fascinant dans
tout ça, mais aussi foutrement désespérant, c'est la virtuosité
avec laquelle on nous agite de toujours plus grossières marionnettes
sous le nez pour nous faire regarder ailleurs pendant que la clique
aux manettes pille tout ce qu'il y a piller. Et ça marche comme sur
des roulettes bien huilées avec contrôle technique à jour. Des
spots de pubs commencent même à nous dire de lâcher la thune
pendant qu'il en est encore temps, sans déconner. Suffit de
présenter le festin et on avale tout comme des goinfres inoculés au
Creutzfeldt-Jakob avant d'aller dégobiller nos tripes les uns sur
les autres. Nous resterons dans l'histoire comme une génération
d'oies gavées et regavées et qui en redemandent tant qu'il y en a
dans l'assiette (tout en écoutant Tryo ou l'autre espingouine de
contrebande de Chao comme la dose d'aspartame nécessaire pour avoir
la conscience tranquille).
Il me semblait important
d'essayer de vous ouvrir les yeux pendant trois plombes avant de vous
annoncer que j'ai faux sur toute la ligne. Zéro pointé, note
éliminatoire. Le monde va bel et bien muter aux alentours du 21.
Ça démarre donc à
Sydney parce qu'il fait beau à cette époque de l'année là-bas, et un
scénario catastrophe débute toujours par de belles images
paisibles, c'est comme ça que ça marche. Ça dégénère en général assez vite... L'épicentre de la fin du
monde a choisi d'aller crécher dans les studios de la radio 2Day FM,
et la première vague du tsunami n'a mis que quelques jours pour
atteindre l'Angleterre.
Bien avant ça, une
rumeur enflait doucement dans le Royaume. Kate Middleton, épouse du
Prince William et duchesse de je ne sais plus trop quoi, se serait
faite engrosser par l'autre premier de la classe et son curriculum à
rendre suicidaire un indiscipliné carabiné comme moi. Et ça a
commencé à faire un barouf de dingue chez Mamie Babeth, sans que je
comprenne trop pourquoi... Le Prince aurait juté c'est ça ?
Une éjac faciale qui serait partie de traviole ? Rien de grave
pourtant, ils se sont mariés merde, ils peuvent bien se mettre ce
qu'ils veulent dans le cul tant que ça leur chante, ils le font
désormais dans les règles dictées par l'autre vieille pétasse de
Dieu. Quoi qu'il en soit ça mettait tout le monde sens dessus
dessous. Enfin depuis mon séjour récent chez eux, j'ai bien compris
que les Anglais étaient une bande de détraqués notoires, inutile
d'attendre quelque chose un brin sensé de leur part. Ces gens-là
roulent à gauche sur des routes à une voie ET à double sens,
faudrait pas l'oublier.
Comme si ça ne suffisait
déjà pas, la rumeur s'est offert une petite séance de gonflette
avec l'admission de Kate Middleton au King Edward VII hospital de Londres, et la
nouvelle s'est bien évidemment propagée jusqu'en Australie, cet
appendice bâtard du Royaume jeté le plus loin possible des côtes
britanniques. Personne ne l'a remarqué alors, mais la fin du monde,
c'est à ce moment précis qu'elle a commencé à germer. Pour être
tout à fait exact, on va constater qu'elle germait depuis déjà
bien longtemps, disons qu'elle a commencé à mettre en branle sa
pourriture de fruit.
Quand les choses
deviennent sérieuses, la miséricorde trinque mais quelque chose de
rudasse. Plus de pitié qui tienne. Et nous y sommes, juste après la
frontière du non-retour, un jour de début décembre dans les
studios de 2Day FM, une radio de Sydney qui n'est peut-être que la
radio locale de Palavas-les-Flots du coin. Deux animateurs attendent
le rouge antenne en enfilant leur costume de jeune hilarant. C'est
que ces deux-là ressemblent trait pour trait à toute cette nouvelle
race de chroniqueurs abêtis jusqu'à la corde qui pullulent dans les
émissions télé, et dont la seule aptitude consiste à parler à
toute berzingue pour ne pas laisser le temps à quiconque de mesurer
l'étendue de la casse vasculo-cérébrale. Il suffit de regarder
leur trogne ci-dessus pour les voir suinter le Yann Barthes.
Et qui dit chroniqueurs
dit équipe de chroniqueurs et dit aussi tout un tas de faire-valoir
rémunérés à la pige dans les coulisses. Et quand on met autant de
« degrés zéro » dans une même pièce on obtient un
zéro aussi vaste qu'un cratère lunaire. Comme toujours quand on
permet aux glands finis de l'ouvrir, ils tirent d'abord et ne se
posent pas de questions ensuite. C'est exactement ce qui s'est passé
ce matin-là. Une idée creuse surgissant des vannes faciles sur les
blondes et des gloussements ininterrompus de rigueur dans ce
milieu. L'arme ultime de l'animateur payé à sourire et à faire
rire des gens payés pour ça : la blague potache qu'un gosse de
six mois pourrait faire, non sans déguiser la chose comme une pure
manifestation de génie. Kate Middleton est à l'hosto, LOL, on n'a
qu'à appeler l'hosto t'imagines si quelqu'un répond le délire de
sa mère la race de sa grand-mère MDR. Fin de citation.
Ils ont donc appelé
l'hôpital en se faisant passer pour quelque ruine incontinente de la
couronne, et une infirmière certainement émue d'avoir la famille
royale au bout du fil n'a pas eu la présence d'esprit de filtrer. Le
barrage passé, on leur a donné des nouvelles de la duchesse sans se
méfier plus que ça. Enfin quand je parle de nouvelles c'est un bien
grand mot : « elle va bien ». Tu parles d'un scoop,
il ne faut pas oublier qu'il n'y a que deux options lorsqu'on appelle
une structure médicale pour s'enquérir de la santé d'un proche :
« le patient va bien » ou « il va falloir être
fort ». Mais qu'importe, le truc a fait le putain de buzz de
merde et voici une pisseuse et un simplet catapultés au firmament de
la célébrité en deux secondes. Comme beaucoup d'autres
extraordinairement niais de leur trempe avant eux.
Le buzz, le sacro-malsain du nom, et un sacré
coup de pub pour cette radio à la con. Buzz et Pub, les deux
fondements du siècle, du monde... Et vas-y qu'on diffuse en boucle
le fameux canular pour bien montrer qu'on sait se servir d'un
téléphone en dépit de notre handicap mental, qu'on fait monter la
sauce jusqu'à ce qu'elle nous sorte par les trous de nez en mousse épaisse
coupée à la bave de charogne. Parce que ça n'avait l'air de rien,
on avait conquis le monde avec deux demeurés à la coule pour pas
très cher, c'est un jeu auquel tout le monde joue tout le temps,
c'était notre tour de tomber sur le numéro gagnant.
LIBERATION – 7 décembre 2012
L'infirmière
victime d'un canular sur Kate Middleton est décédée
Elle a été retrouvée
sans vie dans un local proche de l'hôpital. Le lien avec le canular
n'est pas établi...
À suivre...
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