Elles sont quelques unes, des filles.
Une poignée d'amazones entêtées qui se sont acharnées à percer
ma carcasse de sauvagerie jusqu'à ne laisser qu'un pauvre
corps nu. Frileux, ça arrive. De petites loupiotes excitées qui
rendent la route un peu moins sombre. Elles méritaient bien un peu
de lumière à leur tour. Je causerai de chacune d'elle, de temps en
temps. Pour ce premier billet, honneur à la plus ancienne...
Ça commence quelque part en été
1992, du teen spirit en grand angle dans le décor, un petit village
coincé dans l'Hérault, du ciel cramé de partout, de l'après-midi
qui cogne sans gants, à même l'os... Deux ados, qui ne se
connaissaient pas cinq minutes auparavant, causent tranquilles.
J'aurais aimé avoir la photo de ce moment, pour voir à quoi ça
ressemblait, et si ça se voyait sur mon visage qu'un truc un peu
divin venait de me tomber dessus... L'un des deux ados, c'était moi.
Un gringalet timide dont le seul nom faisait frémir d'effroi tout ce
qui n'avait pas de pénis... L'autre ado, elle s'appelait Claire.
Ouais, une fille. Juré. J'avais seize ans, j'aurais dû profiter du
miracle, l'embrasser direct, par surprise, histoire de voir à quoi
ça ressemblait, le goût des lèvres, une seconde, le temps de me
prendre la mandale du siècle. On n'en aurait plus parlé, fin de
l'histoire. J'ai préféré me connecter à elle. Bonne pioche, on en
parle encore vingt ans après...
Du gringalet timide, il reste vingt ans
plus tard un petit gros à la chevelure démentielle. Un truc qui
n'existe pas dans les manuels. La timidité, elle aussi, a bien
enflé, la foutue conne. La fille ? La même, en un peu mieux. On se
croise encore, au hasard des chemins, l'air de rien. Bon n'oublions
pas qu'elle croise un sombre héros de l'amer, un timide incurablement surcomplexé convaincu
d'être l'œuvre de l'anus de Dieu, ça doit pas être facile pour
elle. Et pourtant, vingt ans après, la revoilà, à quelques rues à
peine en cette nuit accrochée à sa brise tiède.
Comment dire l'hommage ? Pourquoi cette enfoirée de
retenue ? Combien d'années me faudra-t-il encore pour lui dire tout
haut que l'homme qui écrit là maintenant n'aurait pas existé sans
les mots qu'elle a pu prononcer en 92. Et quand, il y a quelques
jours, elle me racontait quelques déboires, pourquoi ne me suis-je
pas comporté en ami véritable, la prendre dans mes bras et juste
lui dire à mon tour des mots sincères, mon affection pour une femme
qui met de la lumière partout y compris dans les yeux de son propre
enfant, une femme intelligente sans un brin de faux-semblant, une
sainte rock and roll revendiquée contre les vents violents et des
tas de marées orageuses... Simplement toutes ces choses qui font sa
valeur à mes yeux. De l'inestimable. Pourquoi devrais-je avoir honte
merde ? Pourquoi je peux pas lui dire au moins merci. Pour pas me
comporter en débile sentimental, voilà. La belle affaire. Ouais tu
préfères rester silencieux, t'as raison, continue. Sombre con.
Et le jour s'est levé depuis un paquet
d'heures, ce billet qui n'était au départ qu'une tentative fébrile
de rendre hommage à l'une de ces perles rares qui jalonnent mon
chemin est devenu un épanchement incontrôlé... Il aurait pourtant
suffi de lui dire qu'elle débordait de nature étincelante, que je
prenais des pieds à peine racontables en essayant de suivre les
grands 8 de sa cervelle, qu'elle avait le don de trouver le mot qu'il
fallait, que je ne comprenais pas ce qu'elle pouvait foutre avec moi
il y a vingt ans comme je ne le comprends toujours pas aujourd'hui.
Trop fantastique pour moi. Trop sur une autre planète loin tout
là-haut. Il aurait suffi de dire cette affection profonde et avouer
que malgré mes silences je me sentais béni de quelque chose en sa
présence. Heureux. J'arrive à faire l'effort de reconnaître ma
chance, parfois, surtout quand on me la fout sous le nez vingt ans
durant. Mes silences sont comme toujours des armes pour cacher mon
insuffisance et ne pas perdre une amie tartinée d'or vif. J'ai envie
de la voir tout le temps quand elle est dans le coin (le principe de
l'amie chère qu'on voit une fois l'an), mais la savoir pas loin
suffit à rendre le paysage un peu plus regardable. Et ne me demandez
pas comment elle arrive à faire ça, j'en sais rien, ça me dépasse.
Toutes ces choses qu'on ne peut pas
dire sans une bouteille de Jack dans le buffet, parce que oui c'est
incongru. Si quelqu'un m'avouait ces choses là, j'aurais
l'impression d'être en face de Mark David Chapman, et quelque chose
me dit que ça ne m'évoquerait pas trop la sérénité. Mais les
gens qui valent le coup sont rares, et j'en ai ma claque de taire mon
amour pour eux. J'ai commencé par Claire, il y aura Caroline,
Estelle, Laurence... plus tard, le temps de digérer. C'est avec les
larmes aux yeux que je pense à elles, à leur amour, leur amitié,
leur patience. A la force qu'elles me donnent pour traverser mes
innombrables tempêtes. A leur acharnement naïf pour me faire
comprendre qu'un truc brille fort en moi...
Et malgré mes colères, mes déchirures
et les violences que je m'inflige, je continuerai à avancer pour
essayer de leur donner raison, avant de tomber raide. Plus tard. Rien
ne presse.
That's all fucking folks...
J'aime. Merci. Salut !
RépondreSupprimerVincent
Salut Vincent, merci. On va essayer de faire au moins aussi bien pour la suite (qui ne devrait plus trop tarder).
SupprimerDe rien.
SupprimerDis, sans aucune transition, tu as vu http://www.the-flo.net/ ?
:)
Vincrnt