7.7.12

IT SMELLS LIKE TWENTY YEARS SPIRIT

Elles sont quelques unes, des filles. Une poignée d'amazones entêtées qui se sont acharnées à percer ma carcasse de sauvagerie jusqu'à ne laisser qu'un pauvre corps nu. Frileux, ça arrive. De petites loupiotes excitées qui rendent la route un peu moins sombre. Elles méritaient bien un peu de lumière à leur tour. Je causerai de chacune d'elle, de temps en temps. Pour ce premier billet, honneur à la plus ancienne...

Ça commence quelque part en été 1992, du teen spirit en grand angle dans le décor, un petit village coincé dans l'Hérault, du ciel cramé de partout, de l'après-midi qui cogne sans gants, à même l'os... Deux ados, qui ne se connaissaient pas cinq minutes auparavant, causent tranquilles. J'aurais aimé avoir la photo de ce moment, pour voir à quoi ça ressemblait, et si ça se voyait sur mon visage qu'un truc un peu divin venait de me tomber dessus... L'un des deux ados, c'était moi. Un gringalet timide dont le seul nom faisait frémir d'effroi tout ce qui n'avait pas de pénis... L'autre ado, elle s'appelait Claire. Ouais, une fille. Juré. J'avais seize ans, j'aurais dû profiter du miracle, l'embrasser direct, par surprise, histoire de voir à quoi ça ressemblait, le goût des lèvres, une seconde, le temps de me prendre la mandale du siècle. On n'en aurait plus parlé, fin de l'histoire. J'ai préféré me connecter à elle. Bonne pioche, on en parle encore vingt ans après...

Du gringalet timide, il reste vingt ans plus tard un petit gros à la chevelure démentielle. Un truc qui n'existe pas dans les manuels. La timidité, elle aussi, a bien enflé, la foutue conne. La fille ? La même, en un peu mieux. On se croise encore, au hasard des chemins, l'air de rien. Bon n'oublions pas qu'elle croise un sombre héros de l'amer, un timide incurablement surcomplexé convaincu d'être l'œuvre de l'anus de Dieu, ça doit pas être facile pour elle. Et pourtant, vingt ans après, la revoilà, à quelques rues à peine en cette nuit accrochée à sa brise tiède.

Comment dire l'hommage ? Pourquoi cette enfoirée de retenue ? Combien d'années me faudra-t-il encore pour lui dire tout haut que l'homme qui écrit là maintenant n'aurait pas existé sans les mots qu'elle a pu prononcer en 92. Et quand, il y a quelques jours, elle me racontait quelques déboires, pourquoi ne me suis-je pas comporté en ami véritable, la prendre dans mes bras et juste lui dire à mon tour des mots sincères, mon affection pour une femme qui met de la lumière partout y compris dans les yeux de son propre enfant, une femme intelligente sans un brin de faux-semblant, une sainte rock and roll revendiquée contre les vents violents et des tas de marées orageuses... Simplement toutes ces choses qui font sa valeur à mes yeux. De l'inestimable. Pourquoi devrais-je avoir honte merde ? Pourquoi je peux pas lui dire au moins merci. Pour pas me comporter en débile sentimental, voilà. La belle affaire. Ouais tu préfères rester silencieux, t'as raison, continue. Sombre con.

Et le jour s'est levé depuis un paquet d'heures, ce billet qui n'était au départ qu'une tentative fébrile de rendre hommage à l'une de ces perles rares qui jalonnent mon chemin est devenu un épanchement incontrôlé... Il aurait pourtant suffi de lui dire qu'elle débordait de nature étincelante, que je prenais des pieds à peine racontables en essayant de suivre les grands 8 de sa cervelle, qu'elle avait le don de trouver le mot qu'il fallait, que je ne comprenais pas ce qu'elle pouvait foutre avec moi il y a vingt ans comme je ne le comprends toujours pas aujourd'hui. Trop fantastique pour moi. Trop sur une autre planète loin tout là-haut. Il aurait suffi de dire cette affection profonde et avouer que malgré mes silences je me sentais béni de quelque chose en sa présence. Heureux. J'arrive à faire l'effort de reconnaître ma chance, parfois, surtout quand on me la fout sous le nez vingt ans durant. Mes silences sont comme toujours des armes pour cacher mon insuffisance et ne pas perdre une amie tartinée d'or vif. J'ai envie de la voir tout le temps quand elle est dans le coin (le principe de l'amie chère qu'on voit une fois l'an), mais la savoir pas loin suffit à rendre le paysage un peu plus regardable. Et ne me demandez pas comment elle arrive à faire ça, j'en sais rien, ça me dépasse.

Toutes ces choses qu'on ne peut pas dire sans une bouteille de Jack dans le buffet, parce que oui c'est incongru. Si quelqu'un m'avouait ces choses là, j'aurais l'impression d'être en face de Mark David Chapman, et quelque chose me dit que ça ne m'évoquerait pas trop la sérénité. Mais les gens qui valent le coup sont rares, et j'en ai ma claque de taire mon amour pour eux. J'ai commencé par Claire, il y aura Caroline, Estelle, Laurence... plus tard, le temps de digérer. C'est avec les larmes aux yeux que je pense à elles, à leur amour, leur amitié, leur patience. A la force qu'elles me donnent pour traverser mes innombrables tempêtes. A leur acharnement naïf pour me faire comprendre qu'un truc brille fort en moi...

Et malgré mes colères, mes déchirures et les violences que je m'inflige, je continuerai à avancer pour essayer de leur donner raison, avant de tomber raide. Plus tard. Rien ne presse.

That's all fucking folks...

3 commentaires:

  1. J'aime. Merci. Salut !

    Vincent

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    1. Salut Vincent, merci. On va essayer de faire au moins aussi bien pour la suite (qui ne devrait plus trop tarder).

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    2. De rien.

      Dis, sans aucune transition, tu as vu http://www.the-flo.net/ ?

      :)

      Vincrnt

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