La petite bougie a un
goût bien particulier aujourd'hui. Le genre de bougie qu'on veut
savourer longtemps avant de la souffler. Un an tout pile que j'ai
décidé d'ouvrir le deuxième chapitre de ce blog qui n'a cessé de
me faire grandir depuis 2006. Et quelle année ce fut.
2 juin 2012. Il me
fallait trouver quelque chose pour arrêter de faire de l'écriture
une source d'aigreurs dégueulasses au fur et à mesure des refus.
Quelque chose pour arrêter de jouer à la petite putain maquillée
au canon qui tortille ses phrases tordues devant des comités de
lecture consternés. Et comme je devenais trop vieux pour continuer à
me prendre au sérieux, j'ai opté pour ce qui serait une grande
orgie d'éclate sans aucune barrière. Finis les faux-semblants,
j'allais faire la seule chose dont j'étais capable, écrire des
billets sauvages et déglingués sur ce qui me passait par la tête,
à ma façon et sans rien chercher de plus. Une somme de tares
exhibées sans avoir pris soin de boucler la ceinture. Et comme de
juste, j'ai attiré plus de monde cette année que lors des douze
précédentes. L'odeur de tripe bien fraîche attire la charogne...
Ouais, tout avait
commencé en l'an 2000. Avec 10/10 aux deux yeux et donc aucune
promesse de lunettes avant des décennies, je n'avais trouvé que
l'écriture pour me donner des airs d'intello. Un vieux complexe
maison, le cerveau. Et pendant douze ans mon seul souci fut d'en
mettre plein la vue en me faisant passer pour un genre de savant fou
avec son univers certes barré mais monté de toutes pièces. Je
m'étais créé un personnage féru de Daniela Lumbroso, Julie Pietri
ou encore Abba et je m'épuisais à mettre du déjanté, du décalé,
du singulier à chaque phrase. J'étais si tristement convaincu
d'être l'incarnation définitive du lambda que je me ruinais la
santé à paraître le plus bizarre possible. Et ça sentait la
chirurgie plastique de gros bourrin à plein nez.
Et il y a tout juste un
an, j'ai pris conscience que je ne serais jamais Philippe Katerine
mais plutôt un batteur de heavy metal mal rasé et engraissé de
bouffe mexicaine matin midi et soir. Alors j'ai rendu tout ce qui ne
m'appartenais pas, les accessoires d'intello original, marrant et
élégant, pour garder ce qui était à moi, la cape tachée de
graisse du gros bourrin. J'allais désormais me débrouiller pour
faire avec. Je n'allais plus chercher ailleurs un peu de lumière à
mettre sur moi, j'allais la fabriquer moi-même, avec les moyens du
bord et un ampérage à quatre chiffres. Je prenais le risque de
perdre les deux trois lecteurs qui m'étaient depuis longtemps
fidèles, mais vient un moment où il faut choisir entre vivre seul
ou mourir entouré.
Je me suis fait la main
avec Keith Richards (on n'est pas si nombreux à pouvoir le
prétendre) et la puissance de la défonce ne laissait aucun doute,
j'avais trouvé le bon wagon, un wagon sans freins qui brinquebalait
grand V sur des rails cabossés en laissant derrière lui des bruits
de ferraille stridents. Quelque chose là-dedans sonnait le rock un peu
brusque, sûrement parce que c'était mon premier texte écrit à
l'instinct sans aucune intervention de quelque neurone que ce soit.
Je transpirais le rock, suffisait de mettre les gouttes en police
Arial sur le papier en exagérant à mort, il m'a fallu douze ans
pour le comprendre.
Puis j'ai logiquement
écrit une nouvelle rock pour un concours que je n'ai pas remporté
mais qui m'a valu près de 3000 lecteurs à ce jour, pas pour flatter
mon ego, mais plutôt pour voir si je ne rêvais pas, si j'avais
réellement mis la main sur le tas d'or. Autant dire qu'il ne m'en
fallait pas plus pour me débarrasser du putain d'ego et passer
l'année à nager à poil dans les pépites, en y mettant assez
d'atteinte aux bonnes mœurs pour attirer quelques férus de
plastique brutale et de traviole. Car si j'ai réussi à garder les
anciens lecteurs et parfois leur donner des sourires que je n'avais
encore jamais vu sur leur visage, d'autres sont venus prendre leur
ticket tout au long de l'année, de nouveaux passagers souvent
surprenants, des beaux-pères à la coule, d'anciens patrons
intimidants, des mecs dans un chiotte en Angleterre, et tout
récemment le rédac' chef du magazine Gonzaï, comme une cerise
moqueuse sur un gros gâteau dégoulinant d'ironie, car si j'ai passé
des années à me donner de grands airs, c'était justement pour
attirer l'œil de ce genre de types.
Ce fut donc une année
riche, peut-être la plus riche de toute mon existence, avec ses
leçons, ses coups de pied au cul et ses gifles lourdement baguées.
En cherchant la reconnaissance douze ans durant, j'avais oublié
qu'il fallait d'abord se reconnaître soi-même, mettre quelque chose
sur le tapis et dire « voilà ». Il ne suffisait pas
d'imiter mes idoles Hunter S. Thompson ou Lester Bangs, il fallait
les bouffer, les digérer, et se démerder avec ce qui sortait en
bout de chaîne.
Dans une époque de
faux-semblants, se foutre à poil est la seule façon de ne pas
crever. Et je suis passé tout près du cercueil. En apprenant à
dire « c'est à prendre ou à laisser », je me suis aussi
servi un sacré rabe d'espérance de vie. L'an deux promet d'être
amusant, car je me suis mis en tête d'aller au bout de la logique et
passer une bonne partie de cette deuxième année qui vient à écrire
mon autobiographie, l'autobiographie d'un lambda qui l'est depuis que
son père l'a giclé. Quitte à faire de l'exagération son fonds de
commerce, autant étaler la marchandise jusque sur tous les trottoirs
à trois kilomètres à la ronde...
That's all fucking folks...
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