8.1.13

IVRESSE ET RUINE CHEZ SAINT-SYLVESTRE

L'année 2012 s'est terminée comme un état des lieux féroce du tas d'excréments qui pave le pays. De petites chiures un peu partout pour bien nous faire comprendre que la panade ne s'est pas cantonnée au portefeuille. Loin s'en faut. Si on ne l'avait pas encore compris, ça y est, nous sommes officiellement de la bonne arthrose tenace qui va gripper quelques rouages de la machine déjà bien avariée, pour un bon moment, je le crains. Non contents de se faire empaler par toutes les couleuvres qui passent, on s'est mis à en chercher de nouvelles bien fraîches, sans même attendre qu'on nous écartèle le sphincter.

La grosse affaire de cette fin décembre fut bien sûr la fuite de ce tonneau couperosé de Depardieu en Belgique, histoire de mettre à profit une notoriété bien surfaite pour échapper à l'effort collectif. Mais à la limite, puisqu'il est libre d'avoir le choix, qu'il se casse s'il déniche un coin plus accueillant et essaie d'en garder un peu dans le bas de laine. Il ira même peut-être jusqu'à se lécher les babines et dans cette éventualité je préfère le savoir loin de chez moi, de toute façon. Seulement, quand la droite sera revenue aux manettes et que Gégé se présentera à la frontière, qu'on fasse au moins semblant de plaider à charge son « amour de la patrie », comme on le ferait pour le sénégalais juste derrière lui dans la file d'attente.

Ce qui sent mauvais, par contre, c'est la vague de soutiens qui a déferlé parmi les petites traînées à la Jean-François Copé qui proclamaient il n'y a pas si longtemps « la France tu l'aimes ou tu la quittes ». M'enfin Depardieu boit du pinard et ne s'appelle pas Rachid, j'imagine que ça doit rendre les choses plus faciles... Pauvre Torreton qui s'est fait rétamer dans tous les sens par toute une clique de collabos surpayés après avoir eu le toupet d'émettre une vague indignation. Et comme d'habitude le clampin gaulois s'est tristement rangé du côté de ceux qu'il voit le plus souvent à la télé, du côté de la balance qui penche.

Le plus dérangeant, c'est qu'on semble accepter de se faire mettre le groin toujours plus profond dans la bonne mouise mijotée aux petits oignons par Natixis & co, alors que les enfouraillés qui pourraient accélérer le processus de sortie de crise refusent de lâcher un peu de caillasse pendant six mois. Et bien entendu, dans le même temps, on risque la prison pour télécharger illégalement les œuvres de ces truies suralimentées et les priver d'un pourcentage infime de leurs droits d'auteur ou de je ne sais pas quoi... Mais on accepte en disant merci poliment, alors est-ce qu'on ne mérite pas finalement de finir cradingues sur un des cartons qu'on nous réserve quelque part dans une rue sordide ?

Aux dernières nouvelles, Depardieu a reçu un passeport russe, la situation aurait presque ressemblé à du glauque ridicule si le glauque ridicule n'avait pas été atteint par les putains à cinq euros du journalisme que sont les potiches d'Itélé, qui ont conclu que le choix de Gégé était un choix du cœur puisqu'il avait joué Raspoutine dans une daube de Josée Dayan et avait réussi à finir un Dostoievski. Qu'il est loin le temps où Yannick Noah avait failli être déchu de sa nationalité française pour avoir prétendu qu'il quitterait le pays en cas d'arrivée de Sarkozy à la présidence, en 2007.

On aurait pu se rabattre sur quelques réjouissances bienvenues au beau milieu de cette foutaise déprimante, se la fendre un bon coup pour oublier un temps le tas d'ordures à la porte, se donner un peu l'impression d'être encore vivant sans même avoir besoin de s'endetter sur dix ans. C'est le moment qu'a choisi très habilement Jamel Debbouze pour venir essayer d'arracher quelques rires du plus profond de notre sclérose. Et même s'il ne peut pas faire rire tout le monde, il évoque au moins Melissa Theuriau par association d'idées, c'est de toute façon déjà ça de gagné. Ça ressemblait à une bonne idée jusqu'à ce qu'il franchisse la ligne jaune en se moquant un peu du physique des habitants de Montbéliard. C'est tout, il lui a suffi de dire « c'que vous êtes moches ici » pour se faire secouer la barbaque comme un Dieudonné coupé au Bachar Al-Assad. C'est devenu une « affaire », le maire de Montbéliard, un genre de Bayrou mais le charisme et l'envergure en moins, a mis sa plus belle écharpe pour venir chialer devant les caméras, les habitants de la ville eux-mêmes (pour la plupart intolérablement disgracieux de leur personne) ont semble-t-il vécu le truc comme une annexion prussienne, et c'est monté en assez haut lieu pour contraindre l'humoriste aux excuses d'un petit garnement chopé en plein vol de Tagada. Et comme de juste, tout le traitement de l'affaire par les médias était en fait une vaste moquerie à peine déguisée qui est, elle, passée comme une lettre à la poste et gardez la monnaie, car dans une société régie par l'apparence, la fierté est aussi bien en point qu'une roumaine tartinée de lèpre à un feu rouge.

Ce qu'a laissé cette fin d'année, c'est l'arrière-goût rance de tout un tas d'armes déposées aux pieds de l'ennemi, la capitulation soudaine et docile du lambda face aux gavés de lingots ou de grandeur. Nous n'avons même plus besoin d'être traînés de force, on suit la flèche sans poser de question, trop heureux d'être épargnés par la soif de ruine qui les déchaîne, tout là-haut. Il suffirait pourtant de ne plus penser au lendemain, de se marrer dès que l'occase se présente, de dire maintenant allez bien copieusement vous faire mettre, on va s'amuser quoi qu'on puisse nous réserver comme belles branlées, et petit à petit, peut-être, les charognes avides de chaque bout d'air qu'on respire perdront leur sang-froid et commenceront alors à empiler les faux-pas.

2013 promet d'être rude et bancale (comme ce billet qui frôle la bonne vieille Mélanchonne), c'est le moment de sortir faire la bringue tous les soirs jusqu'à prendre du coma au dessert, arrêter de croire aux urnes définitivement pour foncer dans le tas à 6 grammes à l'heure en hurlant comme des bêtes enragées. A l'agressivité du camp d'en face répondons par d'immenses orgies de dégénérés notoires qui feront passer les hippies des années 60 pour des bonnes sœurs craintives retranchées derrière trois couches de ceintures de chasteté. Et tôt ou tard, si on s'y prend comme il faut, le vacarme de notre ivresse ira péter en AVC dans le cerveau de ceux qui prétendent nous tenir au bout d'une laisse à nœud coulant. Qu'ils n'oublient pas : l'homme ivre est le seul mammifère immunisé contre la peur et la couardise. Na zdorovje...

That's all fucking folks...

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