L'année 2012 s'est
terminée comme un état des lieux féroce du tas d'excréments qui
pave le pays. De petites chiures un peu partout pour bien nous faire
comprendre que la panade ne s'est pas cantonnée au portefeuille.
Loin s'en faut. Si on ne l'avait pas encore compris, ça y est, nous
sommes officiellement de la bonne arthrose tenace qui va gripper
quelques rouages de la machine déjà bien avariée, pour un bon
moment, je le crains. Non contents de se faire empaler par toutes les
couleuvres qui passent, on s'est mis à en chercher de nouvelles bien
fraîches, sans même attendre qu'on nous écartèle le sphincter.
La grosse affaire de
cette fin décembre fut bien sûr la fuite de ce tonneau couperosé
de Depardieu en Belgique, histoire de mettre à profit une notoriété
bien surfaite pour échapper à l'effort collectif. Mais à la
limite, puisqu'il est libre d'avoir le choix, qu'il se casse s'il
déniche un coin plus accueillant et essaie d'en garder un peu dans
le bas de laine. Il ira même peut-être jusqu'à se lécher les
babines et dans cette éventualité je préfère le savoir loin de
chez moi, de toute façon. Seulement, quand la droite sera revenue
aux manettes et que Gégé se présentera à la frontière, qu'on
fasse au moins semblant de plaider à charge son « amour de la
patrie », comme on le ferait pour le sénégalais juste
derrière lui dans la file d'attente.
Ce qui sent mauvais, par
contre, c'est la vague de soutiens qui a déferlé parmi les petites
traînées à la Jean-François Copé qui proclamaient il n'y a pas
si longtemps « la France tu l'aimes ou tu la quittes ».
M'enfin Depardieu boit du pinard et ne s'appelle pas Rachid,
j'imagine que ça doit rendre les choses plus faciles... Pauvre
Torreton qui s'est fait rétamer dans tous les sens par toute une
clique de collabos surpayés après avoir eu le toupet d'émettre une
vague indignation. Et comme d'habitude le clampin gaulois s'est
tristement rangé du côté de ceux qu'il voit le plus souvent à la
télé, du côté de la balance qui penche.
Le plus dérangeant,
c'est qu'on semble accepter de se faire mettre le groin toujours plus
profond dans la bonne mouise mijotée aux petits oignons par Natixis
& co, alors que les enfouraillés qui pourraient accélérer le
processus de sortie de crise refusent de lâcher un peu de caillasse
pendant six mois. Et bien entendu, dans le même temps, on risque la
prison pour télécharger illégalement les œuvres de ces truies
suralimentées et les priver d'un pourcentage infime de leurs droits
d'auteur ou de je ne sais pas quoi... Mais on accepte en disant merci
poliment, alors est-ce qu'on ne mérite pas finalement de finir
cradingues sur un des cartons qu'on nous réserve quelque part dans
une rue sordide ?
Aux dernières nouvelles,
Depardieu a reçu un passeport russe, la situation aurait presque
ressemblé à du glauque ridicule si le glauque ridicule n'avait pas
été atteint par les putains à cinq euros du journalisme que sont
les potiches d'Itélé, qui ont conclu que le choix de Gégé était
un choix du cœur puisqu'il avait joué Raspoutine dans une daube de
Josée Dayan et avait réussi à finir un Dostoievski. Qu'il est loin
le temps où Yannick Noah avait failli être déchu de sa nationalité
française pour avoir prétendu qu'il quitterait le pays en cas
d'arrivée de Sarkozy à la présidence, en 2007.
On aurait pu se rabattre
sur quelques réjouissances bienvenues au beau milieu de cette
foutaise déprimante, se la fendre un bon coup pour oublier un temps
le tas d'ordures à la porte, se donner un peu l'impression d'être
encore vivant sans même avoir besoin de s'endetter sur dix ans.
C'est le moment qu'a choisi très habilement Jamel Debbouze pour
venir essayer d'arracher quelques rires du plus profond de notre
sclérose. Et même s'il ne peut pas faire rire tout le monde, il
évoque au moins Melissa Theuriau par association d'idées, c'est de
toute façon déjà ça de gagné. Ça ressemblait à une bonne idée
jusqu'à ce qu'il franchisse la ligne jaune en se moquant un peu du
physique des habitants de Montbéliard. C'est tout, il lui a suffi de
dire « c'que vous êtes moches ici » pour se faire
secouer la barbaque comme un Dieudonné coupé au Bachar Al-Assad.
C'est devenu une « affaire », le maire de Montbéliard,
un genre de Bayrou mais le charisme et l'envergure en moins, a mis sa
plus belle écharpe pour venir chialer devant les caméras, les
habitants de la ville eux-mêmes (pour la plupart intolérablement
disgracieux de leur personne) ont semble-t-il vécu le truc comme une
annexion prussienne, et c'est monté en assez haut lieu pour
contraindre l'humoriste aux excuses d'un petit garnement chopé en
plein vol de Tagada. Et comme de juste, tout le traitement de
l'affaire par les médias était en fait une vaste moquerie à peine
déguisée qui est, elle, passée comme une lettre à la poste et
gardez la monnaie, car dans une société régie par l'apparence, la
fierté est aussi bien en point qu'une roumaine tartinée de lèpre à
un feu rouge.
Ce qu'a laissé cette fin
d'année, c'est l'arrière-goût rance de tout un tas d'armes
déposées aux pieds de l'ennemi, la capitulation soudaine et docile
du lambda face aux gavés de lingots ou de grandeur. Nous n'avons
même plus besoin d'être traînés de force, on suit la flèche sans
poser de question, trop heureux d'être épargnés par la soif de
ruine qui les déchaîne, tout là-haut. Il suffirait pourtant de ne
plus penser au lendemain, de se marrer dès que l'occase se présente,
de dire maintenant allez bien copieusement vous faire mettre, on va
s'amuser quoi qu'on puisse nous réserver comme belles branlées, et
petit à petit, peut-être, les charognes avides de chaque bout d'air
qu'on respire perdront leur sang-froid et commenceront alors à
empiler les faux-pas.
2013 promet d'être rude
et bancale (comme ce billet qui frôle la bonne vieille Mélanchonne),
c'est le moment de sortir faire la bringue tous les soirs jusqu'à
prendre du coma au dessert, arrêter de croire aux urnes
définitivement pour foncer dans le tas à 6 grammes à l'heure en
hurlant comme des bêtes enragées. A l'agressivité du camp d'en
face répondons par d'immenses orgies de dégénérés notoires qui
feront passer les hippies des années 60 pour des bonnes sœurs
craintives retranchées derrière trois couches de ceintures de
chasteté. Et tôt ou tard, si on s'y prend comme il faut, le vacarme
de notre ivresse ira péter en AVC dans le cerveau de ceux qui
prétendent nous tenir au bout d'une laisse à nœud coulant. Qu'ils
n'oublient pas : l'homme ivre est le seul mammifère immunisé
contre la peur et la couardise. Na zdorovje...
That's all fucking folks...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire